Lac d’Hourtin (Gironde) : du mercure retrouvé dans les poissons
Les plantes invasives ont-elles à voir avec ce toxique trouvé dans leurs chairs ?.
Le 27 janvier, la préfecture de la Gironde avait lancé un bulletin d’alerte, déconseillant la consommation de sandre pêché dans le lac d’Hourtin-Carcans dans le Médoc. (photo archives j. l.)
Il y a quatre ans, l’analyse des chairs d’un brochet d’environ un mètre pêché dans le lac de Cazaux-Sanguinet révélait la présence de mercure, un métal lourd toxique pour l’organisme. À l’automne, des analyses effectuées sur du brochet et du sandre pêchés dans le lac d’Hourtin-Carcans dans le Médoc ont mis en lumière le même problème. Au point de pousser la préfecture de la Gironde à lancer un bulletin d’alerte le 27 janvier dernier, déconseillant la consommation de sandre pêché dans le lac, « notamment aux femmes enceintes, à celles qui allaitent et aux enfants en bas âge ».
Qu’y a-t-il de commun entre ces deux événements ? Les écosystèmes, de vastes lacs d’eau douce à l’écart des sites industriels. Les poissons examinés, des prédateurs en bout de chaîne alimentaire qui « bio-accumulent » les toxiques tout au long de leur vie. Les concentrations relevées, qui sont préoccupantes sans témoigner d’une pollution délirante : 0,84 milligramme (mg) par kilo de poisson frais à Cazaux-Sanguinet, 1 mg pour le brochet et 1,4 mg pour le sandre à Hourtin-Carcans. La norme européenne « fixe une teneur maximale de 0,5 mg par kilo de poids frais dans la chair musculaire de certains poissons, dont le sandre », rappelle l’Agence régionale de santé (ARS).
Il y a quatre ans, c’est une association de pêcheurs, la Société des amis de Navarrosse (un lieu dit à Biscarrosse), qui avait porté l’affaire sur la place publique en diligentant elle-même des analyses auprès d’un laboratoire. Depuis, elle suit le dossier. « De nouvelles analyses effectuées jusqu’en 2010 témoignent à nouveau de la présence de mercure dans les poissons. Plus le poisson est gros, plus la concentration en mercure est élevée. Sur des poissons plus petits, on est dans les clous », indique Jacques Laffargue, un des membres fondateurs de l’association.
Une étude en cours
La suite de l’histoire pourrait intéresser les habitués du lac d’Hourtin-Carcans. Saisi du problème sur Cazaux-Sanguinet, le Conseil général des Landes a financé une thèse de doctorat pour y voir clair. Attention, son intitulé peut donner mal à la tête à ceux qui fréquentent peu les laboratoires : « les microorganismes sulfato-réducteurs colonisant les racines de macrophytes aquatiques : diversité, risques liés à la méthylation du mercure et son transfert vers la chaîne trophique ».
Mené par Sophie Gentes, une doctorante de l’équipe « environnement et microbiologie » de l’Iprem (Université de Pau et des Pays de l’Adour/CNRS), ce travail devrait être achevé cette année. Il porte sur l’étang de Cazaux-Sanguinet, sur celui d’Aureilhan plus au sud et sur un de ses affluents, l’Escource. L’étude s’effectue en collaboration avec l’équipe « écotoxicologie aquatique » d’Epoc (Bordeaux 1/CNRS), basée à la station marine d’Arcachon.
Sur les plantes invasives
Les scientifiques ne pointent pas du doigt un apport massif de mercure dans l’environnement des lacs, ce qui est rassurant. Il est naturellement présent partout, surtout à cause du volcanisme qui l’expulse dans l’atmosphère. « L’idée principale, c’est qu’il y a des bactéries capables de transformer le mercure inorganique, celui du thermomètre qui pénètre difficilement dans les organismes, en méthylmercure qui, lui, se fixe dans les chairs », explique Régine Maury-Brachet, de l’équipe Epoc.
La particularité tient dans le rôle joué par les plantes aquatiques invasives qui ont peu à peu colonisé les lacs. On désigne ainsi des plantes, comme la jussie et sa splendide fleur jaune, qui ont été importées pour leurs qualités ornementales avant de s’acclimater dans le milieu naturel. Et qu’on peine maintenant à éliminer. « Ce sont les bactéries fixées sur les racines de ces plantes qui sont capables de transformer le mercure, même si celui-ci est à concentration très faible », précise Régine Maury-Brachet. « On est parti de zéro, on n’avait rien sur le sujet. On a été orienté sur cette piste par des études étrangères », indique de son côté Sophie Gentes.
Ces travaux ne portent que sur le périmètre restreint des lacs landais. Aussi les scientifiques ne risquent-ils aucune explication au problème constaté à Hourtin-Carcans. Reste que la coïncidence est troublante. La préfecture de la Gironde a décidé de lancer une enquête sur « la recherche des sources potentielles de contamination ». Nul doute que le rôle des plantes invasives sera soigneusement soupesé.
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